DEVI dit :

Shiva, quelle est ta réalité ?
Quel est cet univers plein de merveilles ?
De quoi est fait la graine ?
Qui centre la roue universelle ?
Quelle est cette vie au-delà  de la forme pénétrant

toutes les formes ?
Comment pouvons-nous y entrer en plénitude, par-delà  l'espace

et le temps, les noms et les descriptions ?
Fais que mes doutes s'éclaircissent !

SHIVA répond :

Bien qu'elle soit déjà  illuminée, Devi a posé les questions précédentes pour que d'autres à  travers l'univers puissent recevoir les instructions de Shiva. Suivez maintenant la réponse de Shiva qui donne les 112 voies.

1 Toi qui es rayonnante, cette expérience peut naître entre deux souffles. Après l'inspiration (en bas), et juste avant l'expiration (en haut) - le bienfait.

2 Lorsque le souffle s'inverse et remonte, et à nouveau lorsque le souffle s'infléchit du haut vers le bas - à  travers ces deux mouvements, prends conscience.

3 Ou, dès que l’inspiration et l’expiration fusionnent, à cet instant atteins le centre plein d’énergie sans énergie.

4 Ou, quand le souffle est complètement expiré (en haut), et s’est arrêté de lui-même, ou complètement inspiré (en bas) et s’est arrêté - dans cette pause universelle, le petit « moi » disparaît. Ceci n’est difficile que pour l’impur.

5 Considère ton essence comme des rayons de lumière qui s’élèvent de centre en centre le long de la colonne vertébrale, et s’élève ainsi ce qui est vivant en toi.

6 Ou, dans les intervalles, ressens ceci comme l’éclair.

7 Devi, imagine les lettres sanskrites dans ces foyers de vigilance emplis de miel, d’abord en tant que lettres, puis de manière plus subtile en tant que sons, ensuite en tant que sensation la plus fine. Puis, les laissant de côté, sois libre.

8 En centrant l’attention entre les sourcils, laisse le mental être avant (devant) la pensée. Laisse la forme s’emplir de l’essence du souffle jusqu’au sommet de la tête, et là, inonde-toi de lumière.

9 Ou, imagine que les cercles aux cinq couleurs de la roue du paon soient les cinq sens dans l’espace illimité. Maintenant, laisse leur beauté se fondre ensemble. De même pour n’importe quel point de l’espace ou d’un mur jusqu’à ce que le point se dissolve. Alors ton désir pour un autre devient vrai.

10 Les yeux clos, vois ton être intérieur en détail. Ainsi, vois ta vraie nature.

11 Place toute ton intention dans le nerf - aussi délicat que le fil du lotus - au centre de ta colonne spinale. En cela, sois transformé.

12 Ferme les sept ouvertures de la tête avec tes mains : tu vois un espace entre les yeux, incluant tout.

13 Touchant telle une plume les globes oculaires, la lumière entre eux s’épanouit dans le cœur et là, pénètre le cosmos.

14 Baigne-toi dans le centre du son, comme dans le son continu d’une cascade. Ou, en mettant tes doigts dans tes oreilles, entends le son des sons.

15 Entonne un son, comme a-u-m, lentement. Tu entres avec le son dans la plénitude.

16 Dans le commencement et dans l’affinement progressif du son d’une lettre, éveille-toi.

17 Quand tu écoutes des instruments à cordes, entends leur son central et composite ; ainsi, l’omniprésence.

18 Entonne un son de façon audible, puis de façon de moins en moins audible, au fur et à mesure de ta sensation dans cette harmonie silencieuse.

19 Imagine l’esprit simultanément en toi et autour de toi jusqu’à ce que l’Univers tout entier devienne esprit.

20 Douce Devi, entre dans la présence éthérée qui se répand loin au-dessus et au-dessous de ta forme.

21 Considère tout espace de ta forme présente comme l’espace illimité.

22 Rends les fibres du mental d’une finesse ineffable au-dessus, au-dessous et dans ton cœur.

23 Sens ta substance, tes os, ta chair, ton sang, pénétrés d’essence cosmique.

24 Suppose que ta forme passive est une pièce vide avec des murs de peau - vide.

25 Toi qui est bénie, comme les sens sont absorbés dans le cœur, atteins le centre du lotus.

26 L’esprit sans pensée, reste au milieu - jusqu’à.

27 Quand tu es dans l’activité du monde, demeure attentive à « l’entre-deux-souffles » et, par cette pratique, renais en quelques jours, neuve.

28 Concentre-toi sur l’embrasement de ta forme à travers le feu qui l’enflamme des orteils au sommet de la tête jusqu’à ce que le corps soit réduit en cendres, mais pas toi.

29 Médite sur le monde illusoire, vois-le se réduire en cendres et deviens l’être au-dessus de l’humain.

30 Sens les subtiles qualités de la créativité se diffuser dans tes seins où elle révèle de délicates configurations.

31 Comme la respiration impalpable au centre du front gagne le cœur au moment du sommeil, maîtrise tes rêves et la mort elle-même.

32 Comme - subjectivement - les lettres affluent dans les mots et les mots dans les phrases, et comme - objectivement - les cercles affluent dans les mondes et les mondes dans des principes, découvre à la fin que tous convergent dans notre être.

33 O toi qui es gracieuse, joue. Cet univers est une coquille vide dans laquelle ton mental gambade infiniment.

34 Regarde au-dessus d’un bol sans voir les parois ou la matière. En quelques instants, deviens conscient.

35 Séjourne en un endroit d’espace infini, dépourvu d’arbres, de collines, d’habitations. Alors survient la fin des pressions mentales.

36 Toi qui es la douceur du cœur, médite sur le savoir et sur le non-savoir, l’existence et la non-existence. Puis laisse-les de côté, et sois.

37 Regarde quelque objet avec amour. Ne te détourne pas vers un autre objet. Ici, au centre de cet objet - la béatitude.

38 Sens le cosmos comme une présence translucide à jamais vivante.

39 Avec une dévotion extrême, centre-toi sur les deux jonctions du souffle et connais celui qui connaît.

40 Considère la plénitude comme étant ton propre corps de félicité.

41 Pendant que tu es caressée, douce princesse, pénètre la caresse comme vie éternelle.

42 Ferme la porte des sens lorsque tu sens qu’arrive un fourmillement. Ensuite.

43 Au début de l’union sexuelle, porte ton attention sur le feu dès le commencement, et en continuant ainsi, évite les braises ardentes à la fin.

44 Lorsqu’en une telle étreinte tes sens sont agités comme des feuilles, pénètre cette agitation.

45 Même dans le souvenir de l’union, sans l’étreinte, la transformation.

46 Dans la joie de voir un ami longtemps absent, pénètre cette joie.

47 Quand tu manges ou quand tu bois, deviens le goût de l’aliment ou de la boisson, et sois empli.

48 O toi œil de lotus, douceur du toucher, lorsque tu chantes, lorsque tu vois, lorsque tu goûtes, sois consciente que tu es et découvre l’éternité.

49 Dès que la satisfaction est trouvée, dans quelque acte que ce soit, rends ceci réel.

50 Lorsque le sommeil n’est pas encore venu et que (pourtant) la vigilance  extérieure disparaît, à ce moment-là, l’être est révélé.

51 Lorsqu’en été tu vois la clarté sans fin du ciel tout entier, pénètre cette clarté.

52 Allonge-toi comme un mort. Reste ainsi, dans ta rage. Ou alors, regarde fixement sans bouger un cil. Ou alors, suce quelque chose et deviens la succion.

53 Sans appui pour tes pieds ou pour tes mains, assieds-toi seulement sur le postérieur. Soudain, la sensation du centre.

54 Dans une position commode, pénètre progressivement une région entre les aisselles et entre dans une grande paix.

55 Vois, comme si c’était pour la première fois, une belle personne ou un objet ordinaire.

56 La bouche légèrement entrouverte, garde le mental au milieu de la langue. Ou tandis que le souffle entre silencieusement, sens le son HH.

57 Sur un lit ou sur un siège, laisse-toi devenir sans poids, au-delà du mental.

58 Dans un véhicule en mouvement, oscillant régulièrement, éprouve. Ou, dans un véhicule immobile, en te laissant balancer dans des cercles invisibles qui ralentissent.

59 En regardant simplement dans le ciel bleu au-delà des nuages, la sérénité.

60 Shakti, vois tout espace comme s’il était déjà absorbé dans ta propre tête, dans la brillance.

61 T’éveillant, dormant, rêvant, connais-toi lumière.

62 Dans la pluie par une nuit noire, pénètre cette obscurité comme la forme des formes.

63 De même, lorsqu’il n’y a pas de nuit pluvieuse sans lune, ferme les yeux et trouve l’obscurité devant toi. Ouvrant les yeux, vois l’obscurité : ainsi les fautes disparaissent-elles à jamais.

64 Juste au moment où tu as l’impulsion de faire quelque chose, arrête.

65 Concentre-toi sur le a-u-m sans « a » ni « m ».

66 Entonne silencieusement un mot qui se termine en AH. Alors, dans le HH, sans aucun effort, la spontanéité.

67 Sens que tu te répands dans toutes les directions, lointaines-proches.

68 Perce quelque endroit de ta forme gonflée de nectar avec une aiguille, et pénètre en douceur dans cette douleur.

69 Ressens : ma pensée, l’ego, les organes internes - moi.

70 Les illusions trompent. Les couleurs circonscrivent. Même les choses divisibles sont indivisibles.

71 Lorsque vient quelque désir, considère-le. Puis soudain, quitte-le.

72 Avant le désir et avant la connaissance, comment puis-je dire que je suis ? Considère cela. Fonds-toi dans la beauté.

73 Avec ton entière conscience, dès le tout début du désir, du savoir, connais.

74 O Shakti, chaque perception particulière est limitée, disparaissant dans la toute-puissance.

75 Dans la vérité, les formes sont non-séparées. Non séparés sont l’être omniprésent et ta propre forme. Vois chacun comme étant fait de cette conscience.

76 Dans des humeurs de désir extrême, sois non-troublée.

77 Ce soi-disant univers apparaît comme une fantasmagorie, une imagerie. Pour être heureux, perçois-le comme tel.

78 O Bien-Aimée, ne fixe ton attention ni sur le plaisir, ni sur la peine, mais entre les deux.

79 Rejette l’attachement pour le corps, en prenant conscience du « je suis partout ». Il est plein de joie, celui qui est partout.

80 Objets et désirs existent en moi comme dans les autres. Ainsi, l’acceptant, qu’ils soient translatés.

81 L’évaluation des objets et des sujets est la même pour une personne illuminée et pour une personne non-illuminée. La première personne possède une grandeur : elle reste dans l’humeur subjective, sans être perdue dans les choses.

82 Éprouve la conscience de chaque personne comme ta propre conscience. Ainsi, laissant de côté toute préoccupation envers l’ego, deviens chaque être.

83 Penser nulle chose fera disparaître les limites de l’ego.

84 Crois-toi omniscient, omnipotent, omni pénétrant.

85 Comme les vagues surgissent de l’eau et les flammes du feu, ainsi les vagues universelles viennent de nous (le bhairava).

86 Fatigue-toi jusqu’à n’en plus pouvoir, et laisse-toi tomber à terre : dans ce laisser-aller, sois en plénitude.

87 Suppose que tu sois progressivement privé de force ou de savoir. A l’instant du dénuement, transcende.

88 Écoute tandis que l’ultime enseignement mystique est exposé : les yeux fixes, sans ciller, aussitôt tu deviens absolument libre.

89 Ferme tes oreilles par une pression et ton rectum par une contraction, et pénètre le son des sons.

90 Sur la margelle d’un puits profond, regarde fixement dans ses profondeurs jusqu’à - l’émerveillement.

91 Partout où ton mental erre, vers l’intérieur ou vers l’extérieur, à cet endroit même, ceci (la lumière unique de la conscience).

92 Quand tu es vivement conscient à travers un sens particulier, demeure dans la conscience.

93 Au moment d’éternuer, dans l’effroi, dans l’anxiété, au-dessus d’un abîme, fuyant un champ de bataille, dans une curiosité extrême, quand tu commences à avoir faim, quand tu n’as plus faim, sois conscient - continuellement.

94 Que ton attention se porte en un lieu où tu vois quelque événement passé, et même ta forme, ayant perdu ses caractéristiques présentes, est transformée.

95 Regarde un objet quelconque, puis retire lentement ton regard de lui ; puis retire lentement ton attention de lui. Alors.

96 La dévotion libère.

97 Sens un objet devant toi. Sens l’absence de tous les autres objets, sauf de celui-ci. Puis laissant de côté l’objet-sensation et l’absence-sensation, prends conscience.

98 La pureté des autres enseignements est pour nous comme l’impureté. En réalité ne connais rien comme pur ou impur.

99 Cette conscience existe comme chaque être, et rien d’autre n’existe.

100 Sois le même à l’égard de l’ami ou de l’étranger, le même dans l’honneur et dans le déshonneur.

101 Quand surgit une humeur contre quelqu’un ou un attachement pour quelqu’un, ne les fixe pas sur la personne en question mais demeure centré.

102 Suppose que tu contemples quelque chose au-delà de la perception, au-delà du saisir, au-delà du non-existant, toi.

103 Pénètre l’espace, sans support, éternel, tranquille.

104 Partout où ton attention se pose, à cet instant précis, éprouve.

105 Pénètre le son de ton nom, et à travers ce son, tous les sons.

106 J’existe. Ceci est à moi. Ceci est ceci. O Bien-Aimée, même en cela, connais de manière illimitée.

107 Cette conscience est l’esprit qui guide chacun. Sois celle-ci.

108 Voici une sphère de changement, changement, changement. A travers le changement, consume le changement.

109 Comme une poule materne ses poussins, materne des connaissances particulières, des actions particulières, dans la réalité.

110 Puisque dans la vérité, le joug et la libération sont relatifs, ces mots ne sont que pour ceux-là, terrifiés par l’univers. Cet univers est un reflet des intellects. De même que les nombreux soleils que tu vois dans l’eau viennent d’un soleil unique, vois ainsi le joug et la libération.

111 Chaque chose est perçue à travers la connaissance. Le « soi », brille dans l’espace à travers la connaissance. Perçois un être unique comme connaissant et connu.

112 Bien-Aimée, à ce moment laisse le mental, la connaissance, le souffle, la forme, être englobés.